Rêves

La chaleur étouffante du volcan n'avait rien à voir avec la flamme qui brûlait ce soir là. Isolés, dans la cendre et le feu, tous juchés sur un imposant rocher flottant de manière hasardeuse sur un flot de lave, les membres de la Clé s'étaient tous réunis pour célébrer.

Bonne Sève qu'il était beau.

Ce sombre frère, au regard abyssal, si joliment engoncé dans son ample robe blanche de mariée, qui semblait ne pas se tacher à la cendre tombant en une discrète neige.

Il portait sur lui ce sourire heureux de l'épouse qui allait se lier à la vie et à la mort à son ... épouse...
Phaleri détailla sa tenue. Elle était à l'identique de celle de de Ceytis. Cette robe à la longue trainée qui baignait dans le magma en fusion. Tous deux, ou plutôt, toutes deux étaient reines de cette soirée qui s'annonçait.

Ils jetèrent un oeil derrière eux, à ce familier attroupement qui s'était mis sur son 31 pour leur union, lorsqu'un bruit soudain et innatendu leur fit regarder de nouveau devant eux. Sortant de la lave comme on sort d'une rivière, un Chaman des légions de la Flamme arriva, portant un magnifique maillot de bain rose un peu trop moulant.

Sa voix profonde et inquiétante résonna dans le volcan :
- "Amis. Nous sommes réunis ce soir pour officialiser l'union de Phaleri et Ceytis. Frères dans la vie, soeurs dans la nuit. Maître et Apprenti. Que ce soir, chacun se souvienne de leur rencontre. Phaleri, perdu, cherchant un chemin dans la nuit, trouva Ceytis, qui quand à lui cherchait les ennuis. Leur bagarre dura sept jours, durant lesquels, sans manger ni boire, ils reussirent à détruire quelques 2500 mètres carrés de verdure et habitations diverses, ce que l'on peut applaudir"
L'ensemble de la troupe se mit à les applaudir, discrètement, leur souriant toujours.
- "Ceytis, comme le veut la tradition, c'est à toi que revient le premier bâton", termina-t-il en tendant un simple bâton de bois d'un mètre au frère en question, qui pris la parole avec une émotion palpable.

- "Phaleri, depuis toujours tu as été là pour moi. En ce soir, au sein de ce volcan, je souhaite te prendre pour épouse", fit-il avant de tendre le bâton à Phaleri, qui s'en saisit et pris la parole à son tour.

- "Ceytis. Ton désir est le mien, comme mon désir est le tien. Je le veux. Je veux être ton épouse, et que tu sois mon épouse également".

Le cassant sur sa robe en deux, il tendit une partie du morceau de bois à Ceytis, qui le prit, puis tout deux le jetèrent dans la lave du volcan. Le Charr sourit, et reprit plus fort :

- "Vous pouvez embrasser la mariée"

Les deux sylvaris s'approchèrent avec timidité, puis s'embrassèrent, d'abord discrètement, puis bien vite avec une fougue frisant presque l'obscénité, sous les applaudissement nourris des Clés présentes non loin.

- "Vous pouvez maintenant vous démonter la tronche", relança le Charr.

Ceytis mordit soudainement avec intensité, de ses dents pointures, la lèvre de Phaleri, qui grogna de douleur en dépliant ses lianes, pour entourer la tête de Ceytis, s'immiscer dans ses oreilles, ses yeux noirs, puis autour de son cou pour l'enserrer, sous des applaudissement, des sifflements et vivas de la troupe.
Quelques coups de poing furent envoyés dans la tête de Phaleri, qui gardait sa prise ferme, jusqu'a ce que la voix de Sha résonne.

- "Y'a des blattes sous le rocher." dit-elle en posant ses pattes sur le rebord.

L'ensemble de la troupe cria un "NOOOON" alors que d'un coup, elle fit chavirer leur radeau de pierre en le soulevant, laissant tomber tout le monde dans la lave.


Phaleri se reveilla à ce moment précis.

Il ralluma une bougie pour voir ce qui l'entourait... il était dans sa chambre.

"Connerie de rêve" lança-il à lui même, avec une pointe d'amusement malgré tout.

HRP:

La pièce demeurait petite et sombre, simple braise incandescente, seule lueur dans ce berceau d’obscurité. Leendrill était assis sur une chaise, « la » chaise, unique mobilier de cet exutoire, ses iris fixés sur sa cigarette qui lentement se consumait.
Le fracas de métal extérieur lui martelait toujours le crâne, un souffle similaire à une colonne de feu flirtait ensuite jusqu’à ses oreilles. Que se passait-il dehors ? Depuis combien de temps était-il là ?  Difficile de remettre une chronologie, et, après tout, il y avait bien mieux à faire.
Une porte s’ouvrit alors, laissant le brouhaha envelopper la pièce, une silhouette imposante faisait obstacle au flot de lumière qui ne demandait qu’à prendre place.

Boss, faut y aller là, on est sous le feu ! »

Le nacré laissa choir sa douceur toxique au sol, avant de se redresser.

J’arrive Sha.

Une fois le petit coin d’ombre quitté, et son regard habitué à la lumière aveuglante, le nacré se trouva face à un tout autre spectacle. L’endroit était vaste, et plutôt bien peuplé, des ustensiles, des fourneaux, tous semblaient s’affairer ci et là, une tension plus que palpable.
C’est elle qu’il reconnut en premier, elle poussa deux lourds battants, qui se refermèrent aussitôt à son passage. Elle adressa à Leendrill un ravissant sourire, nuancé d’une pointe d’ironie.

Bah alors trésor, déjà fatigué ?

Son ton se fit ensuite plus fort, résonnant dans toute la cuisine, tandis qu’elle avançait d’un pas lourd vers l’arrière salle.

 Un aileron de Dent-Pâle pour la table huit !

Leen la suivait des yeux sans mot dire, Ceytis apparu alors à son coté, munit de javelots. Mel en empoigna un tandis que les portes de l’arrière salle s’ouvrirent dans un cri d’agonie, un commis rampant sur un sol maculé de sang à son niveau, un bras manquant.

« Il… il bouffé John.. »

Mel’ et Cey’ enjambèrent joyeusement le pauvre commis, armes en main, tandis que d’autres le prenaient en charge.

  Boss c’est pas le moment de rêvasser, le barman t’attend en salle, grosse urgence apparemment !

Sha ajusta sa toque d’une griffe à ses mots, puis se mit à feuler sur deux employés tandis que Leen s’éloignait.

 C’est pas comme ça qu’on fait flamber de la poiscaille ! Plus de poudre abrutis de novices !

Leendrill passa les portes empruntées à l’apparition de Mel’, le fracas des cuisines se fit plus lointain d’un coup. Lumière tamisée, sol tapissé d’un velours rouge, de nombreuses personnes étaient atablées, profitant d’une douce mélodie provenant d’une scène centrale, ou se trouvait l’Argentée, offrant aux amateurs un gracieux divertissement.

Psst, Leendrill.

Le nacré pivota son regard vers le barman. Le sylvari observait la salle de restaurant l’œil dans une lunette, attentif.

 Que se passe t-il Phaleri ?

La fumée épaisse de son cigare précéda ses mots.
A trois heures, regarde qui s’installe.

Leen balaya la salle du regard. Lïume et Elloth se trouvaient à la réception, s’inclinant dans une coordination parfaite.
Bienvenue à l’auberge des brumes ! Que pouvons-nous faire pour vous être agréable ?

Son regard bifurquait toujours, jusqu’à s’arrêter à trois heures. Aësyl et Alyane étaient assises, et visiblement, elles attendaient d’être servies.

 Je leur propose un de mes cocktails ? Elle vont carburer après ça moi je te le dis !
 Ça ira.. je pense savoir ce qu’elles prennent.

Le nacré reparti en cuisine, avant de brailler.

 Il nous faut un « P.A.P.M.A » en direct pour la table quatre !

Un homme imposant, jusque-là en plein travail, frappa le plan de travail de son hachoir, avant de porter son attention sur Leendrill.
 Je ne suis pas un enchanteur !

Poulet Au Poivre Mariné Aux Amandes.. bordel Doc’ c’est pas compliqué !

«  Aaaaaaah ! Je croyais que tu m’avais pris pour un mage.. Vous avez entendu ?! Qu’on m’amène un poulet ! Terminant sa phrase d’un nouveau coup sec de hachoir.

Une trappe s’ouvrir en plein milieu de la cuisine, manquant faire tomber plusieurs serveurs, puis Walter en sorti, il retira son chapeau dans un noble salue, avant d’en faire sortir une poule.

Hiiiii noooon, pas mes pouuuuules maiiiitreuuh
 Chéri, on a recupéré l'aileron mais perdu deux commis.. et un autre s’est fait choper une jambe.
 Leen, Aësyl s’impatiente, et elle a mal prit que sa table fut réservée à son nom et pas à celui de « Comtesse ».
 Boss.. le chef cuistot il a foutu des abats sur mon tapis, je peux le buter ?
Leen, on a piqué dans mes pourboires, je le sens, je le sais, j'avais tout compté.
Chef.. Öoresé a endormi plusieurs personnes involontairement.. et Astval a  du mal avec les gardes d’Aësyl dehors. Boupe.

Leen.. Leen.. Leen…Leen... LEEN !

Le nacré ouvrit les yeux d’un coup, figé. Sa main vint aussitôt éponger son front tandis qu’il observait à droite, puis à gauche. Il lacha un profond soupire en reconnaissant la chambre, ainsi que la silhouette profondément endormie à son coté.
Quelques étincelles vinrent illuminer la pièce, suivit d’une braise naissante, terminée par quelques mots marmonnés.

P’tain... manqu’rait  plus que ça..

Ceytis était assis auprès de l'arbre Claire, siégeant au milieu de ses racines. Le cerisier avait poussé de telle sorte qu'il en avait fragilisé et affaissé le muret qui le séparait jadis de la cour du fort.  Sa voûte végétale s'était ramifiée et englobait à présent tout l'édifice, si bien que même en plein jour il y demeurait un pénombre seulement percée par les plantes luminescentes.
Le jardinier était serein, comme à son habitude, et il prenait discrètement soin de sa fille ligneuse, les mains enracinées sur les racines qui lui servaient d'accoudoir.

Un trouble vint pourtant le déconcentrer, une présence onirique familière, il ouvrit les yeux alors que Phaleri, vêtu d'une tenue de cuir et d'un chapeau bien plus sombres annonçant, en faisant révérence : « Mon maître, je viens vous apporter un cadeau » A ces mots, deux sylvaris vinrent déplier et présenter au jardinier une peau de charr, un tapis blanc à rayures noires, un tapis en poils de Sha.
Ceytis regarda le présent avant de fixer Phaleri et de dire, de son ton monocorde habituel : «  Chevalier de Fer, mon cher élève... Qu'aurai-je à faire d'une peau morte ? Veuillez la reposer là ou vous l'avez trouvé avant qu'il n'en soit maudit par le fantôme des cheminées. »
Puis, il ajouta « Qu'en est-il plutôt de nos finances ? »
Phaleri répondit, alors que les sylvaris repliaient et éloignaient la peau :  « Elles se portent à merveille Monseigneur. La Dame de Sauge fournit des élixirs très demandés sur le marché. L'argent coule à flot »
Les deux sylvaris se regardèrent en se fendant d'un sourire, un echo onirique commun vint résonner

$ Argent. $

C'est alors que Liüme, vêtue d'une tenue enrubannée, d'un col grotesque et de grelots sautilla dans sa pièce, un toucan dans les bras.

« Maaaaître, Monseigneur... Votre invitée arrive, regardez, elle a envoyé un oiseau voyageur ! »
La sylvari laisse tomber le toucan à moitié inerte et poursuit :
« Elle sera là dans l'heure ! Voire même peu de temps! … Je peux avoir de la confiture ? »

Ceytis plissa les yeux et répliqua :
« Alors, sortez tout deux et qu'on m'amène mes humains, qu'ils soient présentables. »

Alors que les sylvaris partirent, Liüme ayant un air boudeur, Sha, la peau grossièrement recousue, entra, un pot d'herbe à charr dans la main, elle renifla les feuilles avant de prendre la parole, les pupilles dilatées :

« Mon très feuillu ami, voilà une histoire intéressante que j'ai à vous compter. Figurez vous que... »
« Plus tard, Sha... La Vicomtesse de Dissonance va arriver et par Mère, redresse toi la peau du dos tu as l'air ridicule » Déclara le jardinier, désignant à Sha de se placer à sa gauche et de ne pas faire de bruits.
« Assise. » Ajouta-t-il, alors que deux sylvaris entrèrent dans la salle.

Ceytis se leva pour les accueillir et fit révérence à une sylvari violette et de noble stature, il s'agissait d'Alyane.
« Mes hommages, Vicomtesse de Dissonance » Déclara Ceytis.
Alyane se fendit d'un sourire poli, tandis qu'Astval, son garde du corps, après s'être fléchit, resta en retrait, silencieux derrière son masque de fer. On apercevait le regard d'Öoresé, habillée en Dame de Compagnie, qui observait depuis l'entrée, une mélodie légère filtrant dans le lien.
La Vicomtesse répondit, en s'inclinant gracieusement : « C'est un honneur de vous revoir, Baron des Jardins. »

On amena bien vite Leendrill et Meltintalle qui s'inclinèrent face à tout ce beau monde.
« Ah, voici mes humains... » Déclara Ceytis, avant que Meltintalle ne toussa et ne répondit : « Oui, mais chef, on a un problème... » Alors que Ceytis saisit doucement la main d'Alyane et que cette dernière commençait à lentement faire croître une liane à partir de celle-ci, Leendrill prit la suite : « La Grande Duchesse est ici ! »
« Pardon ? » Questionna Ceytis, tandis qu'Alyane entourait lentement son bras et son poignet de sa liane violacée.
Sans même que Leendrill ait le temps de répondre, une sylvari grande, fine et rouge, enfeuillée d'une robe élégante et noirâtre s'écria avec rage :
« Oui elle est ici, et je t'y prend ! Je vais te faire passer l'envie de courtiser les courtisanes ! »
Alors qu'une flamme naissait entre les doigts de la sylvari à la colère enflammée, Ceytis eut juste le temps de s'exclamer : « Lacryta ? » Avant qu'une gerbe de flammes n'incinéra son bras gauche.

$ Douleur, morsure des flammes... un tic-tac lointain $


Il se réveilla, cherchant à attraper ledit bras et ne trouvant effectivement rien à la place.
Il se calma bien vite et lâcha : « Ah, certes... »

- "Tu n'as aucune idée de la façon de faire, Leendrill!" Lança le sylvari a l' argenté.

Leendrill lança un regard noir a son interlocuteur.

- "Phaleri... J'ai déjà trente années d expérience dans le cuir et le sado-masochisme. Si tu crois que je ne sais pas comment faire, tu te trompes.", lui dit il alors qu'il tentait de boucler entre elles quelques lanières de cuir.

Le Feuillu observa autour de lui. Le Fort n'avait plus trace de neige, remplacée désormais par un sable blanc et fin. Devant ses yeux, sous un soleil de plomb, la mer venait lécher dans un lent mouvement les marches d'accès au repaire de la troupe. Ce que Léendrill voulait faire, il le ferait seul, il n'avait plus aucune envie de l'aider. L'ingratitude lui hérissait les épines, de longues épines qui poussaient sur ses bras de lianes comme une chair de poule, à la difference près que cette chair de poule la était de bois, et potentiellement dangereuse.

- "Tu vois! J'y suis arrivé!"

Le cri d'une mouette déchira le ciel devenu orangé par l'éclat d'un soleil couchant. Il reposa le regard sur le travail du patron... Il venait de mettre un harnais et un mors à Mel qui, à quatre pattes, portait sur son dos une fourrure visiblement faite de poils de Dolyak. Cela ne l'étonna même pas. Il eut cependant une surprise lorsqu'elle se mit à meugler avec une fidélité incroyable au meuglement de la bête de trait qu'elle remplaçait.

- "Va me chercher la charette, je vais lui chercher à boire" ordonna-t-il au tireur tout en retournant vers l'intérieur du fort qu'aucune porte ne protégeait, mais qu'un grand rideau fait de voilages et draps cousus ensembles, dans un immonde patchwork couvrait.

"La charette est clairement faite pour un Dolyak, Mel ne pourra jamais la tracter" se dit-il en voyant l'imposant véhicule de bois, peinant à le tirer pour le mettre en place.

- "Psssssst! Phaleri!" murmura le Dol-Mel-yak a quatre pattes dans le sable, "C'est deux Dolyaks qui brouttent de l'herbe, et il y'en a un qui fait : 'MEUUUUUUUUUUUUUUUUUUUUH!' … et l'autre dit 'Bah ca alors, j'allais dire pareil!!' "

Il se tourna vers elle pour lui signifier l'absurdité de son trait d'esprit, lorsqu'autre chose vint l'interrompre. Un seau d'eau glacé que venait de lui lancer Ceytis, qui se tenait à proximité, l'observant d'un air sérieux. Phaleri sentait son ecorce grincer sous le froid qui l'étreignait, mais resta de marbre quelques instants, avant de lui demander :

-"Je peux aller me changer?"

Un nouveau seau d'eau froide lui fut jeté, à croire que sa contenance était infinie, et qui eut pour effet de le faire emerger de son rêve.

Le contact du sable dans son dos et des racines qui maintenaient ses jambes n'était pas désagreable. Seule la rosée qui perlait sur son visage le fit frisonner et était probablement la cause de son reveil. Il redressa la tête, vit Ceytis toujours enraciné sur son torse, et resserra un peu l'étreinte de ses lianes sur son dos pour tenter de se réchauffer un peu. Mais il en était sûr désormais, il ne parlerait plus de certains sujets concernant les humains avec son frère avant de dormir.